Comment a débuté l’aventure ?
De 1993 à 2006, j’avais une manade de taureaux camarguais. Mais après un souci sanitaire sur notre élevage, et étant plus passionnés par la corrida que par la course camarguaise, nous avons jugé que c’était le bon moment pour changer. À cette époque, notre fille toréait à pied, ce qui a conforté ce choix.
J’ai donc fondé la ganadería de toros en 2007, avec un premier achat de vaches chez Antonio Palla. Rapidement derrière, nous sommes allés chez Santafé Marton pour acquérir un autre lot. Ces achats se sont faits en quatre fois, deux fois dans chaque élevage. Pour les sementales, Antonio Palla nous en a prêté pendant quatre ans, jusqu’à ce que nous puissions approuver nos propres toros.
Chez Santafé Marton, nous recherchions l’encaste Marquis de Domecq, et chez Antonio Palla, celui de Jandilla. Ensuite, nous avons ajouté 25 vaches de La Gloria (origine Daniel Ruiz), et plus récemment, des erales de Chamaco pour sélectionner de nouveaux sementales.

Pourquoi ce mélange ?
Pour être honnête, à ce moment-là, il était difficile de trouver du bétail. Chez Santafé Marton, on avait la ligne Marquis de Domecq, un sang qui me plaît particulièrement, et nous avons eu l’opportunité d’acquérir des bêtes de qualité. Le mariage s’est très bien fait : on ne distingue pas de grosses différences et aujourd’hui, les deux sangs sont totalement fondus, nous ne menons pas de lignées séparées. »
Comment se passent les premières années ?
Nous avons sorti nos premières novilladas sans picadors assez vite, grâce au bétail d’Antonio Palla qui donnait d’excellents résultats à l’époque, notamment à Arles. Quand Luc Jalabert a appris que j’avais acheté du Palla, il nous a commandé une novillada dès 2009. Nous n’avions évidemment aucun recul sur ce lot, qui s’est avéré très encasté et compliqué. Ce jour-là, on retrouvait d’ailleurs Juan Leal, Victor Barrio ou encore Mathieu Guillon.
Quel type de toros recherchez-vous ?

Je suis un ganadero très, très torerista, je ne m’en cache pas. C’est peut-être rare dans le milieu, mais cela explique naturellement mon choix d’encaste. J’ai beaucoup de respect pour tous les toreros, y compris ceux qui se mettent devant les toros les plus durs. Et quand ils viennent à la maison, qu’on les côtoie, il est difficile de les voir souffrir dans l’arène. Je recherche donc un toro harmonieux, plutôt bas, avec une tête pas trop agressive.
La ganadería vous permet-elle d’en vivre ?
Non. Elle nous permet de vivre heureux, c’est une certitude : être au milieu des toros, il n’y a rien de mieux. Mais sur le plan économique, c’est catastrophique. On perd de l’argent sur chaque toro vendu, sans exception. Pour compenser, nous avons développé une activité touristique, mais le revenu d’un ganadero reste très inférieur au travail que cela représente.
Dans le Sud-Est, les ganaderos ouvrent beaucoup les portes de leurs élevages. Est-ce une nécessité ou un choix ?
Les deux. La différence avec le Sud-Ouest, qui est une région beaucoup plus rurale, c’est que chez nous les villes sont proches et importantes, ce qui permet de développer l’agrotourisme. C’est une nécessité, mais aussi un choix assumé. »
Comment sont les résultats de la ganadería ?
Ils sont encourageants. Nous sommes partis de presque rien, avec peu de recul, mais j’ai le sentiment qu’au fil de la sélection, nous ne nous sommes pas trop trompés. En une dizaine d’années, on constate une évolution importante de la ganadería.

On disait plus tôt que l’encaste Jandilla apportait un peu de piquant, un paramètre que vous voulez maîtriser. Comment faites-vous ?
Uniquement par la sélection. Nous avons eu un semental qui a produit des novillos très encastés. J’ai dû le supprimer, même si j’ai conservé ses produits femelles. Celles-ci, croisées avec des sementales plus doux, ont permis de stabiliser la situation. J’évite toujours de basculer dans ce qu’on appelle le genio, c’est-à-dire de passer d’un toro encasté à un toro avisé. La frontière est très mince.
Aujourd’hui, vous vendez tout le bétail que vous élevez. Est-ce le signe d’une bonne santé de la tauromachie ?
Oui et non. Nous vendons tout car il y a énormément de fiestas camperas et quelques festivals. Mais l’accès aux grandes arènes reste encore bloqué, faute de réputation suffisante. Nous organisons souvent des tientas et des fiestas camperas sur notre domaine, mais parfois je regrette que ces toros n’aient pas pu sortir dans une grande arène, devant un public plus large. C’est frustrant. »
Comment s’est passée la temporada 2025 ?

Nous avons eu un toro à Alès, où nous allions depuis cinq ans, mais c’était la première fois en corrida. Il y a eu aussi plusieurs novilladas sans picadors et un rendez-vous important à Riscle avec un toro et trois erales.
À Alès, le toro était un peu petit mais mobile, il a bien supporté les trois piques, même si Damian Castaño n’était pas en confiance face à lui. Il s’est montré meilleur à gauche et j’ai beaucoup aimé son comportement. À Riscle, j’ai également été ravi d’un toro qui, malgré un long transport qui aurait pu l’engourdir, a offert de belles charges et est venu de loin. J’ai passé un excellent moment, d’autant plus qu’Álvaro Lorenzo s’est montré très bon devant lui.