Zaragoza : chronique d’un naufrage annoncé où la patience du public s’épuise

Cette dernière corrida de la Féria del Pilar 2025 marquait également la fin du mandat de l’empresario Carlos Zuñiga à la tête des arènes de Zaragoza. Une tarde à l’image d’un mandat contrarié, où les protestations se sont fait entendre au fil des années. Ce dimanche 12 octobre, nous étions venus voir les toros de Pincha, ganadería navarra bien connue en France, notamment grâce à la présence au cartel de Román Collado.

Finalement, il n’en fut rien. À leur arrivée à La Misericordia, le lot de Pincha a été renvoyé à son propriétaire. Un fait malheureusement trop courant du côté de Zaragoza, où les vétérinaires se montrent particulièrement tatillons, pour des raisons pas toujours clairement exposées.

À notre arrivée aux arènes, c’est finalement une corrida du fer de Gavira qui fut annoncée, avec au cartel le torero local Alberto Álvarez, José Fernando Molina et Ismael Martín, venu remplacer Román.

Les toros de Gavira, un lot infâme malgré une présentation correcte, se sont révélés sans race ni force, gâchant complètement ce dernier rendez-vous de la Féria del Pilar. Décastés et vides d’énergie, ils n’ont presque rien offert aux trois toreros du jour, si ce n’est le sobrero de Julio de la Puerta, qui permit quelques moments d’intensité supérieure.

Alberto Alvarez n’a jamais pu s’imposer devant ses deux adversaires du jour

Alberto Álvarez, dont la présence au cartel relevait davantage d’un arrangement que d’un mérite sportif, n’avait clairement pas le niveau pour une telle affiche. À 45 ans, le torero local ne peut plus guère prétendre à grand-chose. Son passage fut indigne du rendez-vous, malgré deux lidias plutôt propres. Quelques muletazos et une mise à mort correcte n’ont pas suffi à masquer la pauvreté de ses faenas, abrégées après deux séries à la muleta. Il sortit sous les sifflets.

José Fernando Molina a touché le meilleur toro de l’après-midi, un sobrero de Julio de la Puerta sorti en cinquième position. Son envie de triompher ne fait aucun doute, mais son excès d’exubérance en cherchant à toréer pour le public lui coûta cher, notamment lorsqu’il servit une série en rond « de pueblo », vivement contestée par la majorité des tendidos. Une erreur fatale, qui fit retomber la faena et anéantit les rares chances de relever le niveau de la tarde. Une leçon sans doute utile pour un torero aux qualités certaines et à la personnalité marquée.

Le muletazo de trop qui a sucité les sifflets des tendidos ©Philippe Gil Mir

Ismael Martín, enfin, représentait l’une des curiosités de l’après-midi. Intégré cette année aux cartels de toreros banderilleros, on pouvait espérer une révélation ; il n’en fut rien. Malgré des tercios de banderilles enjoués, ses deux faenas furent trop justes et imprécises, souvent accrochées et manquant de poder. Son manque d’expérience — il a pris l’alternative à Burgos l’an dernier — reste excusable, mais il ne fut pas à la hauteur de l’événement pour cette corrida de clôture.

Ismaël Martin face à son second toro ©Philippe Gil Mir

Vous l’aurez compris, cette ultime corrida de la Féria del Pilar 2025 fut une longue traversée du désert, tandis qu’au même moment, à Madrid, Morante de la Puebla et Fernando Robleño faisaient leurs adieux dans une émotion à son paroxysme et à un niveau tauromachique qui manquera cruellement au petit mundillo taurin.

6 toros de Salvador Gavira Garcia / Julio de la Puerta (5°bis) pour
Alberto Alvarez : silence et sifflets
José Fernando Molina : silence après avis et silence
Ismaël Martin : silence et vuelta

Jean Dos Santos