À la ganadería de Pincha, située à Lodosa en Navarre, les tentaderos battent leur plein en cette fin d’année. Ces journées de travail sont souvent l’occasion de découvrir, ou de redécouvrir, des toreros sortis des radars, mais qui continuent, envers et contre tout, à lutter pour se faire une place dans l’escalafón.
En ce mois de décembre, c’est Ángel Puerta qui est venu tienter dans la ganadería navarraise. Un torero que l’on voit très peu, il est vrai, mais dont le parcours et la détermination interrogent : et si son histoire n’était pas encore terminée ? Rencontre avec un homme qui refuse de renoncer.
Devenir torero a toujours été une évidence pour Ángel Puerta. Il l’évoque avec simplicité « C’était un rêve d’enfant ». Né à Jerez de la Frontera, il débute très tôt dans l’esprit andalou : « À 10 ans, j’ai commencé à l’école taurine de Jerez de la Frontera. Ensuite, je suis parti à l’école taurine de Guadalajara, où je suis resté durant tout mon cursus, depuis les novilladas sans picadors jusqu’à l’alternative. Je continuais à m’y entraîner même après. »

De l’Andalousie à Castilla-La Mancha, Ángel Puerta se forge une solide carrière de novillero. Il torée plus de 60 novilladas piquées : « J’ai pu toréer dans les plus grandes arènes, et également en France, où j’ai débuté à Samadet. »
Cette trajectoire le mène naturellement à l’alternative, qu’il prend en 2013 dans les arènes du Puerto de Santa María, avec El Cid et Jiménez Fortes. Mais après ce moment clé, la carrière se complique « Je prends l’alternative en 2013, puis ma carrière s’est arrêtée. En Espagne, j’ai toréé quelques corridas dans des pueblos, mais sans réelle continuité. »
Le constat est frappant : en douze années de carrière, Ángel Puerta n’a toréé que cinq corridas en Espagne.
Si sa carrière est à l’arrêt dans son pays, elle se poursuit ailleurs, sur la Terre des Incas. « Aujourd’hui, je continue de lutter pour me faire une place dans l’escalafón. En Espagne, les opportunités sont très rares. C’est surtout au Pérou que je torée depuis plusieurs temporadas. »

Une situation rendue possible grâce à une rencontre décisive « En Espagne, je n’ai pas d’apoderado. Je suis libre, j’essaie de me débrouiller seul avec mes contacts et mon expérience. Ce n’est pas agréable, on dérange souvent, mais je n’ai pas le choix. Au Pérou, c’est le ganadero Henry Caballero qui me représente et qui me permet de toréer. »
Aujourd’hui, la vie de torero d’Ángel Puerta se joue principalement de l’autre côté de l’Atlantique « Ma carrière se passe désormais au Pérou. Je torée dans des férias importantes comme Cutervo, Cajabamba, Lajas. »
Malgré les difficultés, l’ambition reste intacte « Mon objectif serait de pouvoir confirmer mon alternative à Madrid. J’y avais toréé deux fois comme novillero. »

La question économique, incontournable dans une carrière aussi irrégulière, ne pouvait être éludée. Ángel Puerta l’aborde sans détour : « Économiquement, en Espagne, ma profession est incompatible. Dans cette situation, soit tu as un travail, soit, comme moi, tu as la chance de toréer au Pérou avec des honoraires qui te permettent à peu près de tenir toute l’année. Quand je suis en Espagne, je travaille. »
Le tentadero chez Pincha a permis de revoir un torero discret, oublié de ces dernières temporadas. Face à deux vaches exigeantes, Ángel Puerta a proposé une tauromachie classique, marquée par la recherche de profondeur et de verticalité.
Un témoignage sincère, à l’image de son parcours : celui d’un torero qui, loin des projecteurs, continue de croire en son destin.
Entretien réalisé par Jean Dos Santos en Décembre 2025
