Sergio Rollon : « Au moment de tuer, je me suis jeté avec le cœur, droit, avec envie de bien faire. »

Sergio Rollón, novillero de 18 ans, a vécu en 2025 la plus grande épreuve de sa jeune carrière. Après des passages prometteurs dans les certámenes madrilènes, il a frôlé la mort en entrant a matar lors de la finale du Circuito de Madrid.

Le jeune torero espagnol a accepté de revenir sur cet épisode marquant pour Mundillo Taurino et de se présenter plus en détail au public français. Il raconte son parcours, l’accident qui l’a stoppé en plein élan, et sa détermination à retrouver les ruedos en 2026.

Sergio Rollon à Las Ventas lors du concours Camino a Las Ventas

Sergio, peux-tu te présenter aux aficionados français ?

Je suis Sergio Rollón, novillero avec picadors actuellement. J’ai commencé à l’âge de 7 ans à l’École taurine d’El Juli, où je suis toujours aujourd’hui. En parallèle, j’ai rencontré le matador et ganadero Luis Gonzalez, qui, avec l’école taurine, m’a accompagné et soutenu dans cette profession aussi belle que difficile.

À 14 ans, j’ai fait mes débuts comme becerrista, le 18 septembre 2021 à Burgohondo (Ávila), mon village natal. Puis, le 20 mai 2023, j’ai débuté sans picadors à Villamanta (Madrid). J’ai toréé environ 40 festejos ainsi que de nombreux bolsins jusqu’à mes débuts avec picadors le 15 mars 2025 dans le certamen de la Comunidad de Madrid. Le 12 juillet de la même année, lors de la finale de ce circuit, une grave cornada en estoquant mon novillo m’a sectionné la veine fémorale et la veine saphène. J’ai dû mettre un terme immédiat à ma saison et je suis encore en processus de récupération, avec l’objectif de revenir pour l’année qui arrive.

Sergio Rollon à Alalpardo lors de la demi-finale à 6

Pour les aficionados qui suivent les novilladas sans picadors, on a pu te découvrir lors du concours « Camino a Las Ventas ». Raconte-nous cette expérience où tu as particulièrement brillé.

Oui, j’ai participé à ce certamen à deux reprises. La première fois en 2023, l’année de mon début sans picadors. J’y suis allé pour prendre de l’expérience, mais les résultats ont été très positifs : je me suis qualifié pour la finale et j’ai toréé le 11 octobre à Las Ventas, où j’ai terminé deuxième. L’épée m’a privé de quelques trophées.

En 2024, j’ai concouru à nouveau, coupant 7 oreilles sur 8 possibles, mais le jury a décidé de me laisser hors de la finale.

Ce concours m’a beaucoup apporté, tant humainement que professionnellement. Il a été un véritable tremplin et m’a permis de me faire connaître dans le monde des novilladas sans picadors.

Finale de Camino a Las Ventas en 2023

Après ce parcours très positif, tu débutes logiquement en piquée au début de la temporada 2025…

Comme tu l’indiques, j’ai débuté avec picadors le 15 mars 2025 à Valdilecha lors du concours de novillada de la Comunidad de Madrid, où je devais tout donner pour me qualifier pour les demi-finales. J’ai coupé une oreille à mon second novillo. Avec une meilleure épée, je pense que j’aurais pu en couper trois. Grâce à cela, je me suis qualifié pour les demi-finales à Anchuelo : une novillada très jolie, avec un novillo qui m’a permis de m’exprimer. Ce fut l’après-midi la plus forte de ma carrière, je l’ai vécue comme un rêve d’enfant.

J’ai ensuite disputé la demi-finale à six, où j’ai de nouveau montré un bon niveau. On voyait que je m’ouvrais davantage, que la confiance et la maturité grandissaient. Le novillo n’a pas beaucoup aidé ce jour-là, mais j’ai tout donné. Grâce à mes deux passages, je me suis qualifié pour la finale à trois, terminant premier au classement des points.

Sergio Rollon à Anchuelo devant un novillo de Fernando Guzman

La finale avait lieu le 12 juillet, une date très importante pour nous trois. Nous voulions tous remporter ce certamen. Ce fut une tarde de rivalité, mais aussi l’occasion de montrer tout le travail accompli. Après avoir affronté un novillo compliqué et montré un bon niveau, j’ai été très sérieusement blessé en entrant a matar : la cornada m’a touché la veine fémorale et la veine saphène. À cause de cela, j’ai été écarté des ruedos jusqu’à aujourd’hui.

Cette blessure, comment l’as-tu vécue ?

Comme je l’ai dit, cette novillada était très importante pour moi : je savais qu’elle pouvait être un tournant, un moment clé pour me faire connaître. Après avoir tout donné face à mon premier novillo, je voulais absolument couper un trophée. Au moment de tuer, je me suis jeté avec le cœur, droit, avec envie de bien faire. J’ai senti le contact avec l’os du novillo et j’ai poussé un peu trop. C’est à ce moment-là qu’il m’a pris. Je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement : je l’ai réalisé en me relevant et en voyant le sang jaillir, mais sans percevoir la gravité de la blessure.

Sergio Rollon à Valdetorres del Jarama avant d’être blessé

Comment te sens-tu six mois après avoir frôlé la mort ?

Je me sens très bien. J’ai énormément d’envie, d’ambition, et l’illusion de remettre un costume de lumières, de ressentir à nouveau le public, l’embestida du toro… Ce sont des mois durs, où la tête doit rester très claire sur l’objectif. Beaucoup de douleur, beaucoup de rééducation, mais sans jamais perdre le cap. J’ai les mêmes envies, voire plus, que lorsque j’ai commencé. Ce qui est arrivé fait partie de cette profession. Je veux triompher dans ce monde.

As-tu retoréé depuis ta blessure ?

Pas encore. Je me suis remis petit à petit, mais la semaine dernière, j’ai dû repasser au bloc, ce qui a retardé mon retour au campo. Mais je suis sûr que bientôt, je pourrai reprendre la préparation au contact du bétail.

Quels sont tes objectifs pour 2026 ?

Revenir le plus tôt possible, mais à 100 %, sans aucune séquelle, en ayant mûri comme torero et comme homme, et donner le meilleur de moi chaque jour où j’aurai l’opportunité de me montrer. Je veux évidemment triompher, faire plaisir au public et à moi-même.

Je ne sais pas encore quand viendra le privilège de refaire un paseo, mais je l’attends avec plus d’enthousiasme que jamais, et je mettrai tout en œuvre pour que ce soit le plus tôt possible, et le plus souvent possible, durant l’année.

Vas-tu toréer en France cette année ?

Pour le moment, rien n’est prévu en France. Évidemment, cela me plairait énormément : c’est quelque chose que je souhaite depuis mes débuts sans picadors, mais je n’ai pas encore pu réaliser ce rêve.

J’espère vraiment que cela pourra arriver cette année, mais pour l’instant je ne sais pas encore si l’opportunité se présentera de fouler les arènes françaises.