Morenito de Aranda a tenu son pari. En clôture de la féria de Pentecôte 2025, les arènes de Vic-Fezensac accueillaient un rendez-vous de premier ordre : une encerrona en solitaire de Morenito de Aranda face à six toros de deux ganaderias exigeantes — Flor de Jara et Arauz de Robles.

L’ambiance était à la hauteur de l’affiche : arènes combles, ferveur générale, et un torero castillan vêtu d’un joli costume violet et azabache pour affronter ce défi. La corrida avait également une dimension symbolique, marquant la dernière corrida supervisée par André Cabannes, figure emblématique de la commission taurine locale.
Une après-midi d’engagement et de constance
Morenito de Aranda s’est montré à la hauteur de l’événement. Sans forcer le triomphe, il a livré une prestation sérieuse, constante, et assumée du début à la fin. Deux oreilles — une à chacun des toros les plus nobles de Flor de Jara — auront récompensé un toreo appliqué, classique, et une gestion rigoureuse de la lidia tout au long de l’après-midi.
Face aux toros d’Arauz de Robles, souvent plus brusques ou décastés, l’Espagnol n’a pas démérité, mais a vu ses efforts freinés par le manque de fond de ses opposants et une épée régulièrement basse qui a pesé dans les bilans.
Morenito a assuré toutes les lidias et mises en suerte avec variété, calme et précision, démontrant une connaissance parfaite du terrain vicois et de ses opposants. Le public, exigeant, a su reconnaître l’homogénéité d’une tarde construite avec rigueur et professionnalisme.
Toro à toro
Le premier toro, un Flor de Jara parfaitement dans le type Buendía, ouvre la course avec prestance. Morenito de Aranda choisit de marquer l’entrée en matière par une réception à puerta gayola, saluée avec émotion par le public. L’animal prend ensuite deux piques sans grande volonté de pousser sous le fer. Dans la muleta, le toro brille par sa noblesse mais manque de transmission. Morenito construit une faena allant a más, avec de bons passages sur les deux bords, bien liés et sans excès. Une entière basse mais efficace vient conclure l’ensemble. Une oreille vient récompenser ce premier engagement.

Le deuxième, du fer d’Arauz de Robles, d’encaste Gamero Cívico, affiche une présentation correcte et une mobilité intéressante. Morenito le place avec autorité au centre de la piste dès la première rencontre. Le toro ira quatre fois au cheval, les deux dernières de façon symbolique, sortant du contact dès l’impact. Il s’agit de l’un des meilleurs opposants de l’après-midi : encasté, exigeant, avec de la charge et de la transmission. Le torero castillan propose une faena intense et sérieuse, bien structurée. Malheureusement, une nouvelle épée basse vient ternir l’ensemble, et le public, cette fois, ne passe pas l’erreur. Salut au tiers.

Le troisième Flor de Jara, plus large de berceau et moins dans le type que le premier, est bien reçu à la cape. Trois piques sont administrées, mais de manière maladroite. Dans le dernier tiers, Morenito livre une faena agréable, propre, avec quelques bons enchaînements, mais là encore, le toro ne “rompt” jamais vraiment. Son fond limité empêche l’émotion de pleinement jaillir. Une entière basse, à nouveau efficace, vient ponctuer cette prestation qui, sans démériter, ne franchit pas un cap décisif. Nouvelle salutation.
Le quatrième, un colorado sérieux d’Arauz de Robles, se révèle plus compliqué. D’entrée, ses charges sont brusques et imprévisibles. Morenito de Aranda prend une nouvelle fois en main la lidia avec précision, mais la faena reste entravée par le peu d’options offertes par le toro. Le Castillan fait preuve de courage et de constance, mais sans matière première suffisante pour construire une œuvre complète. L’épée, toujours basse, conclut cet épisode difficile. Silence.

Le cinquième toro, de Flor de Jara, ne montre rien de notable au premier tiers, manquant de bravoure à la pique. Mais c’est dans la muleta qu’il va révéler ses qualités, à l’instar de ses deux frères du lot : noble, régulier, avec un fond discret mais sincère. Morenito de Aranda saisit l’opportunité et en tire de très bons moments sur la corne gauche, avec des naturelles profondes et bien tenues. Cette fois, l’épée est convaincante et bien placée, permettant au torero de décrocher une seconde oreille, logique et méritée.
Le dernier toro, un Arauz de Robles, clôt la féria et cette encerrona en solitaire. Malheureusement, l’animal déçoit par son manque de race et de force. Malgré les efforts répétés de Morenito, épaulé dans la lidia par Candelas, rien ne parvient à faire décoller cette dernière prestation. Faute de transmission, l’émotion ne surgit pas, et la conclusion se fait dans un climat de résignation. Silence poli pour ce dernier combat.
Vic-Fezensac, Lundi 9 juin 2025
6 toros de Flor de Jara (1er, 3e, 5e) et Arauz de Robles (2e, 4e, 6e) pour
Morenito de Aranda : une oreille, salut, salut, silence, une oreille, silence
Jean Dos Santos